Bénéficier d’une assurance dommages-ouvrage sur un projet d’auto-construction : solutions et limites

Publié le 24 septembre 2021| Mis à jour le 3 avril 2025

Dossiers

L’autoconstruction est une option de plus en plus populaire pour ceux qui souhaitent réaliser des économies ou personnaliser entièrement leur logement. Cependant, cette démarche soulève des questions importantes concernant les assurances, notamment l’assurance dommages ouvrage. Voici les points essentiels à retenir :

  • L’assurance dommages ouvrage (DO) est théoriquement obligatoire pour toute construction, mais aucune sanction n’est prévue pour les particuliers auto-constructeurs
  • Pour une autoconstruction totale, obtenir une assurance DO est presque impossible car l’assureur n’a pas de tiers contre qui se retourner
  • L’autoconstruction partielle permet de bénéficier d’une assurance DO pour les travaux réalisés par des professionnels disposant d’une garantie décennale
  • La vente d’un bien auto-construit sans garantie décennale avant 10 ans peut être problématique (difficultés de financement pour l’acheteur, responsabilité du vendeur)
  • Une assurance responsabilité civile reste accessible et recommandée pour les auto-constructeurs

Qu’est-ce que l’autoconstruction et pourquoi s’assurer ?

L’autoconstruction désigne le fait pour un particulier de construire ou rénover lui-même son logement, sans faire appel à des professionnels du bâtiment pour tout ou partie des travaux. On distingue :

  • L’autoconstruction totale : le particulier réalise l’intégralité des travaux sans l’intervention de professionnels
  • L’autoconstruction partielle : le particulier confie certains travaux (généralement le gros œuvre) à des professionnels et réalise lui-même les autres travaux (second œuvre)

Cette démarche, souvent motivée par un souci d’économie ou un désir d’indépendance, comporte néanmoins des risques importants. En effet, des dommages peuvent survenir pendant ou après les travaux, engageant la responsabilité de l’auto-constructeur. C’est pourquoi la question des assurances, notamment de l’assurance dommages ouvrage, est cruciale.

L’assurance dommages ouvrage en autoconstruction : obligations et réalités

Depuis la loi Spinetta de 1978, l’assurance dommages ouvrage est théoriquement obligatoire pour tout maître d’ouvrage, y compris les particuliers. Cette assurance permet de préfinancer les réparations des dommages relevant de la garantie décennale (affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination), sans attendre la détermination des responsabilités.

Son fonctionnement est simple : en cas de sinistre, l’assureur DO indemnise rapidement le propriétaire (délai maximal de 105 jours), puis se retourne contre les professionnels responsables et leurs assurances décennales pour se faire rembourser.

Le paradoxe de l’assurance DO en autoconstruction totale

Dans le cas d’une autoconstruction totale, un paradoxe évident apparaît : l’assureur DO n’a personne contre qui se retourner. En effet, l’auto-constructeur est à la fois :

  • Le bénéficiaire de l’indemnisation (en tant que propriétaire)
  • Le constructeur responsable des éventuels dommages

Il serait donc absurde pour l’assureur de financer des réparations puis de demander leur remboursement à la même personne. De plus, l’assureur ne peut pas évaluer facilement les compétences et le savoir-faire de l’auto-constructeur.

C’est pourquoi il est presque impossible d’obtenir une assurance dommages ouvrage pour une autoconstruction totale. Les quelques assureurs qui l’acceptent proposent des contrats à des tarifs prohibitifs.

L’assurance DO en autoconstruction partielle

La situation est différente pour une autoconstruction partielle. Dans ce cas, les travaux de gros œuvre (fondations, structure, toiture, etc.) sont réalisés par des professionnels disposant d’une garantie décennale. L’assurance DO peut alors couvrir ces travaux, car en cas de sinistre, elle pourra se retourner contre les assurances décennales des professionnels concernés.

Ainsi, pour une autoconstruction partielle, il est tout à fait possible d’obtenir une assurance dommages ouvrage, mais celle-ci ne couvrira que les travaux réalisés par des professionnels disposant d’une garantie décennale.

Type d’autoconstructionPossibilité d’obtenir une assurance DOCouverturePrix moyen
TotaleTrès difficile voire impossibleNon applicableExorbitant
Partielle (hors d’eau/hors d’air par des pros)PossibleUniquement travaux réalisés par des professionnelsEntre 3 000€ et 7 000€ selon l’ampleur des travaux

Implications pour la vente d’un bien auto-construit

L’absence d’assurance dommages ouvrage et de garantie décennale a des conséquences importantes en cas de vente du bien avant la fin de la période de 10 ans suivant l’achèvement des travaux.

Responsabilité du vendeur

En tant qu’auto-constructeur, vous restez responsable des vices de construction envers les acquéreurs successifs pendant 10 ans. Si vous vendez votre bien avant ce délai et que des désordres apparaissent, l’acheteur pourra se retourner contre vous à titre personnel.

Difficultés de financement pour l’acheteur

Les banques exigent généralement une attestation d’assurance dommages ouvrage pour accorder un prêt immobilier. L’absence de cette assurance peut donc constituer un obstacle majeur pour un acheteur potentiel souhaitant financer son acquisition par un emprunt.

De plus, l’absence de garantie décennale peut réduire significativement la valeur du bien sur le marché, les acheteurs étant réticents à acquérir un logement sans protection contre d’éventuels vices de construction.

« Il est déconseillé de revendre avant la fin de la période de garantie décennale car vous resterez responsable des dommages à titre personnel envers les acquéreurs successifs. »

Solutions alternatives pour les auto-constructeurs

L’assurance responsabilité civile

À défaut de pouvoir obtenir une assurance dommages ouvrage, les auto-constructeurs peuvent et doivent souscrire une assurance responsabilité civile. Cette assurance, plus facile à obtenir, couvre les dommages causés aux tiers dans le cadre du chantier.

Elle protège notamment :

  • Les bénévoles qui vous aident sur le chantier en cas de dommages corporels (si votre responsabilité est engagée)
  • Les tiers (voisins, passants) qui pourraient subir des dommages à cause de votre chantier

En revanche, elle ne couvre pas les personnes rémunérées travaillant sur votre chantier. Il est important de vérifier auprès de votre assureur que votre contrat d’assurance habitation et sa responsabilité civile couvrent bien l’activité d’autoconstruction, car certains contrats l’excluent.

L’autoconstruction partielle comme compromis

La solution la plus équilibrée consiste souvent à opter pour une auto-construction partielle, en confiant le gros œuvre (fondations, structure, toiture, etc.) à des professionnels disposant d’une garantie décennale, et en réalisant soi-même le second œuvre.

Cette approche permet :

  • D’obtenir une assurance dommages ouvrage pour les travaux réalisés par les professionnels
  • De réaliser des économies sur certains travaux
  • De faciliter la revente du bien avant l’expiration du délai de 10 ans

Le coût de l’assurance dommages ouvrage

Le prix d’une assurance dommages ouvrage varie selon l’ampleur et la nature des travaux. En 2024, le tarif moyen en France s’élevait à environ 3 770 €.

Pour vous donner une idée plus précise, voici quelques exemples de tarifs :

Type de projetCoût des travauxPrix de l’assurance DO
Rénovation d’appartement65 000 €2 895 € TTC
Agrandissement d’une villa112 000 €3 127 € TTC
Rénovation d’une longère213 000 €3 598 € TTC
Construction d’un chalet318 000 €6 871 € TTC

Comment bien s’assurer en autoconstruction

L’assurance en autoconstruction présente des défis particuliers, mais des solutions existent. Voici nos recommandations pour bien vous protéger :

  1. Privilégiez l’autoconstruction partielle en confiant le gros œuvre à des professionnels disposant d’une garantie décennale
  2. Souscrivez une assurance responsabilité civile spécifique ou vérifiez que votre RC habituelle couvre bien l’activité d’autoconstruction
  3. Comparez les offres d’assurance DO auprès de plusieurs assureurs si vous optez pour une autoconstruction partielle
  4. Planifiez votre projet de vente : si possible, ne vendez pas avant l’expiration du délai de 10 ans suivant l’achèvement des travaux
  5. Documentez minutieusement tous les travaux réalisés (photos, factures, plans) pour faciliter d’éventuelles démarches futures

En fin de compte, l’autoconstruction reste une aventure passionnante qui peut vous permettre de réaliser d’importantes économies et de créer un logement véritablement personnalisé. Cependant, il est essentiel de bien comprendre les enjeux en matière d’assurance pour éviter de mauvaises surprises et protéger votre investissement sur le long terme.

  • Devis Assurance Dommage Ouvrage